Les universitaires affectionnent le terme “dispositif” lorsqu’il s’agit d’opérer à une définition de l’oeuvre numérique et les artiste l’utilisent constamment sans jamais le nommer…
Alors entre les deux, il y a ce court essai (50 pages) et à mon sens si il ne devait y avoir qu’un seul ouvrage philosophique à lire sur les outils numériques, cela serait celui-ci !
Giorgio Agamben commence l’ouvrage simplement en utilisant la définition du mot notifié sur le dictionnaire.
Puis il étaye cette définition avec celle du philosophe Michel Foucault qui, à partir des années 1970, a travaillé sur les dispositifs comme mode d’actions du pouvoir surtout via les dispositifs disciplinaires : prisons, asiles, etc.
“C’est pourquoi les dispositifs doivent toujours impliquer un processus de subjectivation. Ils doivent produire leur sujet.”
(Page 27)
Giorgio Agamben, sans oublier cette notion d’action du pouvoir, décrit les relations entre nos modes d’existence et les dispositifs dits techniques (téléphones portables, ordinateurs, mais aussi écriture et langage).
“en donnant une généralité encore plus grande à la classe déjà très vastes des dispositifs de Foucault, j’appelle dispositif tout ce qui a, d’une manière ou d’une autre, la capacité de capturer, d’orienter, de déterminer, d’intercepter, de modeler, de contrôler et d’assurer les gestes, les conduites, les opinions et les discours des êtres vivants. Pas seulement les prisons donc, les asiles, les panoptikon, les écoles, la confession, les usines, les disciplines, les mesures juridiques, dont l’articulation avec le pouvoir est en un sens évidente, mais aussi le stylo, l’écriture, la littérature, la philosophie, l’agriculture, la cigarette, la navigation, les ordinateurs, les téléphones portables et le langage lui-même, peut-être le plus ancien dispositif dans lequel plusieurs milliers d’années déjà, un primate probablement incapable de se rendre compte des conséquences qui l’attendaient, eut l’inconscience de se faire prendre.”
(Page 30)
“Certes les dispositifs existent depuis que l’homo sapiens est apparu, mais il semble qu’aujourd’hui il n’y ait plus un seul instant de la vie des individus qui ne soit modelé, contaminé, ou contrôlé par un dispositif.”
(Page 34)
“Le fait est que selon toute probabilité, les dispositifs ne sont pas un accident dans lequel les hommes se trouveraient pris par hasard. Ils plongent leurs racines dans le processus même d”hominisation’ qui a rendu humain les animaux que nous regroupons sous la catégorie d’homo sapiens. L’évènement qui a produit l’humain constitue en effet pour le vivant quelque chose comme une scission, qui reproduit d’une certaine manière la scission que l’oikonomia avait introduite en Dieu entre l’être et l’action.”
(Page 35)
“La profanation est le contre-dispositif qui restitue à l’usage commun ce que le sacrifice avait séparé et divisé.”
(Page 40)